Dans un couple, rares sont les moments où les deux partenaires ont exactement la même envie de faire l’amour au même moment, avec la même intensité, au même rythme. La différence de libido est normale, humaine, et souvent fluctuante. Ce qui fait souffrir, ce n’est pas tant cette différence que la façon dont on la vit, dont on en parle… ou dont on n’en parle pas.
Je te propose ici une façon plus douce, plus lucide et plus respectueuse d’aborder ce sujet sensible, sans blesser l’autre, sans te trahir toi-même, et en gardant la santé – physique, mentale et relationnelle – au centre.
Comprendre la libido : ce n’est pas qu’une histoire de “désir”
On parle souvent de libido comme d’un bouton “on/off” : j’ai envie / je n’ai pas envie. En réalité, c’est beaucoup plus complexe. La libido est influencée par :
- les hormones (cycle menstruel, grossesse, post-partum, ménopause, andropause, contraception, etc.)
- la santé physique (douleurs, fatigue chronique, maladies, médicaments comme les antidépresseurs ou antihypertenseurs)
- la santé mentale (stress, anxiété, dépression, burn-out)
- l’histoire personnelle (traumatismes, relation au corps, éducation reçue, religion)
- la qualité de la relation (conflits, rancœurs accumulées, manque de tendresse, absence de dialogue)
Autrement dit : si toi ou ton/ta partenaire avez “moins envie”, ce n’est pas forcément un problème de sentiments ou d’attirance. Ça peut être un signal de ton corps, de ton mental ou de votre relation qui demande de l’attention.
Déjà, accueillir cette complexité, c’est enlever une énorme pression. On sort du “il/elle ne m’aime plus” ou “je ne suis pas normal·e” pour aller vers : “ok, qu’est-ce qui se passe pour moi, pour nous ?”.
Dédramatiser sans minimiser la souffrance
La différence de libido est fréquente. Ce qui ne veut pas dire que ce n’est pas douloureux.
- Pour la personne qui a plus envie, il peut y avoir un sentiment de rejet, de frustration, voire de honte de “trop” désirer.
- Pour la personne qui a moins envie, il peut y avoir de la culpabilité, la peur d’être “anormale”, ou d’être remplacée / trompée.
Les deux souffrances sont légitimes. L’important, c’est de ne pas les hiérarchiser : ce n’est pas “plus grave” d’avoir trop envie que de ne pas en avoir, ou l’inverse. Vous êtes deux dans cette danse, deux réalités à prendre en compte.
Dédramatiser, c’est dire : oui, ce qu’on vit est courant, ça n’enlève rien à notre valeur, et on a le droit d’en parler. Ne pas minimiser, c’est reconnaître : oui, c’est douloureux, et on mérite de chercher des solutions ensemble.
Parler de la différence de libido sans blesser
La manière d’aborder le sujet peut faire toute la différence. Voici quelques repères pour que le dialogue soit plus doux et plus constructif.
Choisis bien le moment. Évite d’ouvrir cette discussion :
- juste après un refus (“tu ne veux jamais, tu vois bien qu’on a un problème !”)
- pendant un conflit ou quand l’un·e est épuisé·e
- en plein rapport sexuel
Privilégie un moment calme, sans téléphone, sans télé, où vous avez un peu de temps devant vous.
Parle de toi, pas “sur” l’autre. Les phrases qui commencent par “tu” agressent très vite : “Tu ne veux jamais”, “Tu ne penses qu’à ça”, “Tu me rejettes”. À la place, essaie :
- “Je me sens frustré·e en ce moment, j’ai plus envie que d’habitude et je ne sais pas comment te le dire sans te mettre la pression.”
- “Je me sens coupable parce que j’ai moins envie en ce moment, et j’ai peur que tu crois que je ne t’aime plus.”
Valide ce que l’autre ressent. Par exemple :
- “Je comprends que tu te sentes rejeté·e, ce n’est pas ce que je veux te faire vivre.”
- “Je comprends que tu te sentes sous pression, ce n’est pas ce que je veux pour toi non plus.”
Rappelle que vous êtes dans la même équipe. Ça peut paraître cliché, mais dire explicitement :
- “Je ne suis pas contre toi, je suis avec toi, et j’aimerais qu’on trouve un équilibre qui nous respecte tous les deux.”
met souvent un peu de douceur dans une discussion sensible.
Quand tu as plus de désir que ton/ta partenaire
Se retrouver avec une libido plus élevée que celle de l’autre peut être très compliqué à vivre, surtout si tu as l’impression de “réclamer” tout le temps.
Quelques repères pour prendre soin de toi… et de l’autre :
- Évite de personnaliser le refus. Le refus de faire l’amour n’est pas un refus de toi en tant que personne. Essaie de ne pas traduire mentalement “je n’ai pas envie” par “je ne t’aime plus” ou “tu ne m’attires plus”, même si la tentation est forte.
- Ne fais pas du sexe une monnaie d’échange. “Avec tout ce que je fais pour toi, tu pourrais au moins…”. Ce genre de phrase blesse, met une énorme pression, et tue le désir plutôt qu’il ne le stimule.
- Autorise-toi à exprimer ta frustration, mais sans accuser. Tu as le droit de dire : “Je me sens vraiment en manque de contact physique et sexuel, et ça me rend triste.” Ce n’est pas une attaque, c’est le partage de ton vécu.
- Rappelle que tu cherches un compromis, pas une victoire. L’objectif n’est pas que l’autre cède, mais que vous trouviez un chemin où personne ne se sent écrasé.
Tu peux aussi réfléchir à ce qui, dans ta propre libido, est besoin de connexion, de tendresse, d’affirmation de soi, de détente… Parfois, en travaillant sur ces besoins autrement (thérapie, activités, amitiés, gestion du stress), la pression sexuelle diminue un peu.
Quand tu as moins de désir que ton/ta partenaire
Te sentir “en dessous” de l’autre en termes de libido peut être extrêmement culpabilisant. On peut se dire “je ne suis pas normal·e”, “je vais le/la perdre”. Pourtant, ton désir – même s’il est rare, fluctuant, ou différent – mérite d’être respecté.
Quelques pistes pour te protéger sans blesser l’autre :
- Évite de te forcer systématiquement. Se forcer régulièrement pour “faire plaisir” peut mener à une forme de dégoût, voire à des douleurs physiques ou à une dissociation (être là sans être là). À long terme, ça abîme le désir et la relation.
- Explique ce qui se passe pour toi. Par exemple : “Je suis tellement fatigué·e en ce moment que mon corps n’arrive pas à se mettre en mode désir”, ou “Depuis ma grossesse / ce changement de traitement, je ne me reconnais plus sexuellement.”
- Dissocie affection et sexe. Rassure l’autre sur ton amour et ton attirance par plus de câlins, de gestes tendres, de paroles, même quand tu n’as pas envie de faire l’amour.
- Prends ta santé au sérieux. Une baisse durable de libido peut être liée à un problème médical ou psychologique. En parler à un·e médecin, un·e sexologue ou un·e psy n’est pas un aveu d’échec, c’est une forme de soin.
Tu as le droit de dire non, mais aussi le droit de chercher des moyens de dire “oui, autrement” : à d’autres formes de sexualité, à d’autres rythmes, à d’autres scénarios qui te stimulent davantage.
Ouvrir le champ des possibles : sexualité, tendresse et créativité
Quand les libidos ne s’alignent pas, on gagne à élargir la définition de la sexualité et de l’intimité. Le couple n’est pas condamné à l’alternative “rapport complet ou rien du tout”.
Quelques pistes à explorer ensemble :
- Redécouvrir les caresses sans “obligation de pénétration”. Se donner des massages sensuels, se câliner nus, se toucher sans objectif de performance.
- Encourager la masturbation individuelle. La masturbation n’est pas une trahison. Elle peut être une manière pour la personne la plus en manque de soulager sa tension sans mettre de pression sur l’autre.
- Explorer des formes de sexualité plus douces. Parfois, la personne avec moins de libido est plus ouverte à des contacts plus lents, moins centrés sur l’orgasme, plus axés sur la tendresse, le temps passé ensemble.
- Varier les moments. Peut-être que le soir, l’un·e est épuisé·e, alors qu’un matin de week-end, l’envie serait plus accessible. Le contexte compte énormément.
Vous pouvez aussi vous poser ensemble une question simple : “Qu’est-ce qui, pour toi, nourrit ton désir ?” Pour certains, c’est la séduction, les messages coquins, les rendez-vous organisés. Pour d’autres, c’est de se sentir en sécurité, respecté·e, soutenu·e dans le quotidien. Comprendre ça, c’est souvent un tournant.
Quand demander de l’aide extérieure
Si la différence de libido génère de plus en plus de conflits, de rancœurs, de pleurs, ou un retrait émotionnel, il est peut-être temps de faire appel à un·e professionnel·le :
- Un·e médecin généraliste ou gynécologue / urologue pour vérifier les aspects hormonaux, les effets secondaires de médicaments, les douleurs, les troubles érectiles, etc.
- Un·e sexologue pour explorer les blocages, les peurs, les croyances sur la sexualité, et trouver des outils concrets adaptés à votre situation.
- Un·e thérapeute de couple pour vous aider à mieux communiquer, à poser vos besoins, et à apaiser les tensions qui parasitent le désir.
Demander de l’aide, ce n’est pas déclarer que votre couple va mal, c’est justement tenter de le protéger.
La différence de libido n’est pas une fatalité ni un verdict. C’est une zone sensible qui peut devenir un espace de dialogue, de connaissance de soi et de l’autre, si on accepte d’y mettre de la nuance, de l’écoute et de la bienveillance.
Tu as le droit de désirer, de ne pas désirer, de changer, de négocier, de dire oui, de dire non. Et vous avez, tous les deux, le droit de chercher un équilibre qui vous respecte, même s’il ne ressemble pas à ce que la société vend comme “normal”.
Avec douceur, franchise et un peu de créativité, cette différence de rythme peut devenir non pas une guerre, mais une occasion de grandir ensemble – autrement, sexuellement et émotionnellement.
Véro

